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L’actu des médias

[Carto] Nous avons répertorié pour vous les rubriques et émissions qui traitent d’initiatives porteuses de solutions

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Cette cartographie, mise à jour chaque mois par l’équipe du Lab Reporters d’Espoirs, répertorie pour chaque média français, les émissions / programmes / rubriques récurrents, qui publient régulièrement des contenus suivant la méthode du journalisme de solutions.

Cliquez sur le nom du média pour voir apparaitre la liste des émissions concernées, puis sur l’émission qui vous intéresse pour aller sur le site dédié :

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« C ce soir », le bon élève du débat médiatique

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« “C ce soir” est-elle déjà la meilleure émission de la télévision française ? » Un mois à peine après le lancement du nouveau programme de France 5, les chroniqueurs de « Capture d’écrans » sur France Inter interrogeaient son succès. Enfin une émission de débat qui fait la part belle aux idées, tourne le dos au clash et présente des intervenants qui s’écoutent mutuellement, comme on n’en avait plus vu depuis la fin de « Ce soir (ou jamais !) » en 2016. La faute à une culture journalistique de l’affrontement ? À un intérêt inavoué des citoyens pour la polémique ? À l’incapacité chronique qu’ont les gens d’écouter l’avis des autres, une fois donné le leur ? « C ce soir », qui a entamé sa quatrième saison, semble être parvenue à s’imposer comme l’une des rares émissions télévisées où il fait bon débattre. Attaché aux contenus médiatiques qui refusent la confrontation, Reporters d’Espoirs creuse la fabrique de cette émission avec Nathalie Darrigrand, Directrice Générale de Together Media.

Lancée en janvier 2021, l’émission « C ce soir », produite par Together Media – dirigé par l’ancienne directrice de France 5 Nathalie Darrigrand – emprunte à Etienne Klein son credo : Débattre, c’est argumenter pour ne pas se battre. Dans la lignée des programmes axés sur l’échange davantage que sur la confrontation, tels « Ce soir (ou jamais) ! » anciennement diffusé sur France 2 et France 3, ou « 28 minutes » toujours à l’antenne d’Arte, l’émission de France 5 incarne l’ambition de France Télévisions de « renforcer la place du débat d’idée sur ses antennes ». A la production éditoriale de l’émission diffusée du lundi au jeudi à 22h30, on y retrouve le producteur Benjamin Oulahcene, le rédacteur en chef Maxime Darquier et le présentateur Karim Rissouli – journaliste habitué à cet exercice complexe, animateur d’« En société » le dimanche à 18h30 et qui a précédé Thomas Snégaroff aux commandes de « C politique » à 20h.

À bord de ce navire composé d’une dizaine d’individus, deux chroniqueuses passées par la radio : la journaliste culturelle Camille Diao – qui anime l’émission le jeudi – et Laure Adler, ex-directrice de France Culture et « plus vieille influenceuse de France » selon ses propres mots. Les invités sont accueillis sur le plateau d’un studio parisien et échangent, pendant une heure et dix minutes en moyenne, sur des sujets qui fâchent : justice environnementale, cannabis, dissolution des Soulèvements de la Terre, pornographie… Il semble que « C ce soir » n’ait pas bâti sa réputation sur le consensus. D’autant plus intéressant, donc, d’analyser la manière dont toute l’équipe parvient (et parfois ne parvient pas) à garantir l’existence d’un véritable débat.

Un programme en évolution, des émissions toujours ciselées

Un sondage Ifop, conduit en juin 2021, indiquait que plus de 90% des répondants trouvaient le débat public trop conflictuel dans les médias. On parle de certaines émissions emblématiques du clash, on dit que les opinions se polarisent et que les Français ne savent plus s’écouter. « Les gens ne se parlent plus », affirmait Nicolas Daniel, directeur des magazines de FranceTV, à Télé-Loisirs en présentant le futur projet de France 5 produit par Together Media et porté par Karim Rissouli, « Voyage en territoire opposé » – une émission destinée à faire se rencontrer sur le terrain des personnalités aux convictions radicalement opposées, afin de créer de nouvelles possibilités de dialogue. Puisque plus personne ne s’entend, comment animer une émission d’idées, sur des sujets complexes, sans tomber dans le pugilat ? Selon Nathalie Darrigrand, tout tient dans la programmation minutieuse de chaque épisode. Le sujet du débat, souvent choisi la veille dans l’après-midi, est discuté tous les matins en conseil de rédaction, en fonction de l’actualité. Une fois fixé, c’est au tour du casting d’être mis sur la table. Qui inviter ? Qui mettre face à face ? Comment organiser le débat de telle manière qu’il y ait contradiction, sans que celle-ci ne se transforme en « foire d’empoigne » ? L’idée étant de doser la confrontation pour éviter à la fois la paraphrase et la défensive. Pas de recette miracle, cependant : il arrive que les mélanges ne fonctionnent pas, et que le clash s’invite sur le plateau.

« C ce soir » tournait à l’origine autour d’un grand invité, avec lequel le présentateur s’entretenait dans une première partie. Un temps de rencontre était ensuite organisé avec une personnalité liée à l’actualité, avant que d’autres invités ne rejoignent le plateau pour exposer leur point de vue, souvent divergent. La deuxième et la troisième saisons abandonnent cette structure en trois actes, pour se consacrer exclusivement à l’échange entre cinq ou six intervenants, la plupart étant des intellectuels et des personnalités engagées qui ont consacré un certain temps à réfléchir aux thématiques dont ils discutent. « L’idée n’est pas de faire une exposition professorale des points de vue, mais de créer une discussion animée et de faire émerger les nuances » affirme Nathalie Darrigrand. Dès le début de l’émission, Karim Rissouli, en alternance avec Camille Diao, donne les règles du jeu, résume les activités, l’expertise, et surtout les positions de chacun pour poser les bases de l’échange. Tout se fait dans les conditions du direct. Et le résultat est là : « France TV pourrait produire ce genre d’émission rappelle la Directrice Générale, [mais] elle continue de compter sur le savoir-faire [des] équipes de Together Media, fortes de leurs expériences sur d’autres émissions politiques [comme C Politique] ».

Un succès surveillé

Diffusée en deuxième partie de soirée, c’est-à-dire après les JT des autres chaînes, l’émission prend le risque d’une redondance avec les événements de la journée, qui constituent en même temps pour elle un ancrage. Si le public demeure captif de l’émission, si celle-ci est parvenue à s’imposer assez vite dans le paysage audiovisuel (environ 330 000 téléspectateurs chaque soir, selon Médiamétrie), si les commentaires sur les réseaux sociaux lui sont majoritairement favorables, c’est en partie parce qu’on y trouve un recul qui manque parfois ailleurs. « Il y a toujours la tentation de l’actu, reconnaît Nathalie Darrigrand. Or quand on y cède, ça ne donne pas forcément les meilleures émissions. Début juin, par exemple, le jour de l’attaque au couteau qui avait eu lieu à Annecy, nous nous étions posé la question de la pertinence d’un débat autour de ce drame. Mais c’était tellement omniprésent que nous n’avons simplement pas pu l’ignorer. Nous avons organisé un épisode à ce sujet, et nous avons reçu des retours selon lesquels ça n’était pas forcément une bonne idée. Ça n’était pas notre marque. Nous ne sommes pas une chaîne d’information en continu. » Il s’agit donc de bien doser, encore une fois. Suivre l’actualité, tenir compte des préoccupations du moment tout en conservant le recul de l’analyse à J+1 ou J+2. Cette programmation à flux tendu se répercute-t-elle sur la disponibilité des invités pressentis ? Selon Nathalie Darrigrand, les inquiétudes quant à une possible macrocéphalie parisienne dans ce choix ne sont pas fondées, la position géographique de l’invité ou le montant du billet de train pour qu’il puisse rejoindre le studio n’étant pas des critères.  

Malgré le soin apporté au casting de l’émission, celle-ci ne peut se soustraire à une critique assez récurrente lorsqu’il s’agit du service public : un manque de pluralisme politique dans le choix des invités. Dans les entretiens qu’ils accordent, les membres de l’équipe s’en défendent toujours. Du fait de son statut particulier, le groupe France Télévisions a l’obligation légale de fournir un même temps de parole à toutes les mouvances, politiques notamment, élues – l’Arcom veille au grain. Mais au-delà de la contrainte juridique, la question se pose de donner la parole à toutes les mouvances, tout court. En somme, faut-il permettre à chacun de participer au débat public, au risque de promouvoir des discours minoritaires et extrêmes ? La productrice de « C ce soir » répond sans hésitation. « Notre cadre, c’est le cadre républicain. Nous n’invitons pas les gens qui ne le respectent pas, qui sont condamnés ou portent des propos haineux. » Suffit-il cependant d’écrémer à l’entrée pour éviter la violence et les attaques ad hominem ? Oui et non, sans doute : depuis plus de deux ans que « C ce soir » existe, l’émission a reçu les louanges des confrères et consœurs, malgré les quelques épisodes qui se sont soldés par un esclandre, esclandre dont d’autres médias se sont emparés comme de la fausse note tant attendue. « À être trop gâté, on en devient sans doute plus exigeant, au point même de relever quelques dérapages » écrivait Étienne Labrunie dans Télérama. Pas de quoi enterrer « C ce Soir », ni le débat public sur nos écrans.

Propos recueillis par Louise Jouveshomme

A Couthures-sur-Garonne, les journalistes prennent leur temps

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Audiovisuel public, soulèvements en Iran, intelligence artificielle… autant de thématiques mises à l’honneur lors de cette septième édition du Festival international du journalisme (FIJ) en juillet 2023, parrainé par le Groupe Le Monde à Couthures-sur-Garonne. On y pose notamment une question fondamentale, autour de laquelle s’organisent de nombreuses conférences : « informer sans déprimer, est-ce possible ? » De nouveau partenaire du festival, Reporters d’Espoirs a contribué à cette réflexion en parlant dialogue, audience et bien sûr, journalisme de solutions.

Des bottes de paille et les reflets du soleil sur la Garonne, qui coule le long d’un petit village de 370 habitants. C’est dans ce décor que se déroule presque chaque année depuis huit ans l’une des plus grandes réunions françaises de professionnels et passionnés de l’info. Loin du formalisme que l’on pourrait attendre d’un tel rassemblement, le Festival international de journalisme de Couthures-sur-Garonne s’apparente à… un festival ! Ecocup, tables de pique-nique, baignade, concerts… Suivre un atelier, c’est s’exposer à en recroiser quelques heures plus tard les animateurs en maillot de bain. Mais cette ambiance légère n’empêche pas d’aborder des sujets sérieux, bien au contraire. Sous le parrainage de l’écrivain napolitain Roberto Saviano, menacé en raison de ses enquêtes à charge sur la mafia italienne, on parle conflits et liberté de la presse. De l’avenir de la démocratie aux révolutions initiées par l’intelligence artificielle, en passant par la santé mentale, le festival fait ainsi la part belle aux thématiques anxiogènes, autour desquelles invités et public échangent avec une grande liberté. Reporters d’Espoirs était convié à animer deux ateliers et à participer à une table ronde dans le cadre d’une des grandes questions du festival : peut-on encore informer sans déprimer ?

Ateliers : des citoyens sévères vis-à-vis des médias

Reporters d’Espoirs animait deux ateliers, l’un sur l’importance du dialogue dans les médias, l’autre sur le journalisme de solutions. Dans le premier, après avoir échangé sur des exemples de titres de presse écrite plus ou moins polémiques, les participants discutaient de la manière qu’ont les médias de confronter les points de vue. Une opposition binaire et frontale permet-elle véritablement à l’audience de se faire un avis plus éclairé ? Ou vaut-il mieux chercher la complexité, les convergences en favorisant, de fait, des contenus de fond ? Dans le second atelier, les échanges concernaient la méthode du journalisme de solutions ainsi que son potentiel pour résoudre – en partie – certains des problèmes auxquels les médias font face. Si les personnes qui se détournent de l’info prétendent le faire à cause de son ton dramatique, peut-être faut-il allumer une lueur d’espoir dans l’obscurité de l’actualité ?

Seuls des festivaliers non journalistes ont assisté à chacun des ateliers, et exprimé par leurs remarques un réel engagement dans leur rapport à l’information. Une chose ressort : les médias ont une vaste marge de progression. Questions et avis s’empilent à ce propos : on reproche les titres aguicheurs, la redondance des informations, l’opacité de leurs pratiques, la tonalité négative des fils d’actualité. Et, parfois à demi-mots, parfois franchement, on l’entend : « On a l’impression que les médias nous prennent pour des cons. » Le commentaire est en particulier ressorti lors de l’atelier sur le journalisme de solutions, quand une participante a critiqué l’habitude des JT de clore leur exposition de désastres par un reportage léger sur un sujet sans importance. Une pirouette qui, apparemment, peine à convaincre le public.

On pourrait regretter le côté peu contradictoire du débat : si certains festivaliers divergent sur les causes du problème, tous s’accordent à dire qu’ils ne font plus confiance aux médias. Et pas un journaliste à l’horizon pour nuancer les critiques en parlant des contraintes, structurelles et économiques, de la profession. Pour autant, mêmes unanimes, ces condamnations constituent une manifestation encourageante, puisque les citoyens qui les formulent ont après tout pris le temps de les formuler. Ils se sont déplacés, ils ont réfléchi, ils ont participé, ils ont critiqué parce qu’ils tiennent à l’information. Ils tiennent aux médias, et cet attachement justifie l’intransigeance avec laquelle ils commentent leur travail. Comme le dit le proverbe – tout à fait discutable dans le cadre de relations interpersonnelles : qui aime bien châtie bien.

Le journalisme de solutions, panacée universelle ?

L’info est déprimante, de nombreuses personnes s’en détournent. Autour de ces constats, confortés par de multiples études, cinq tables rondes durant lesquelles journalistes et citoyens ont discuté des leviers dont disposent les médias pour relever ces défis – ou corriger leur propre trajectoire. Augustin Perraud, coordinateur des programmes à Reporters d’Espoirs, a participé à la conférence sur le journalisme de solutions aux côtés de trois représentants du Monde, Françoise Tovo, responsable des abonnements, Syrielle Mejias, journaliste vidéo et Simon Roger, chef du service Planète. Étaient également présents Jon Henley, correspondant Europe du Guardian, Lucas Scaltritti, auteur du podcast Super Green Me et Luce Julien, directrice générale de l’information de Radio-Canada. Tous ont échangé sur leur pratique du journalisme de solutions, qu’ils n’avaient d’ailleurs pas forcément conscience de pratiquer, et sur l’accueil favorable de leurs audiences respectives.

Le public de la conférence s’est montré réactif. Hommage aux émissions qui parlent solutions de longue date, remarques sceptiques – le journalisme de solutions, n’est-ce pas au final du bon journalisme ? – questions pratiques. Comment contacter les journalistes, quand on est porteur de solutions ? Comment faire en sorte que son initiative soit médiatisée ? Les médias ne devraient-ils pas soutenir les solutions dans leur démarche, au lieu de se contenter de les rendre visibles quand la démarche a porté ses fruits ? Une réflexion qui fait écho aux remarques des participants de notre atelier sur le dialogue : au-delà de mettre en regard des opinions nuancées, les médias n’auraient-ils pas vocation à devenir eux-mêmes médiateurs ? Rassembler des gens d’opinions diverses non plus pour rendre compte de la dissension mais pour chercher avec eux le compromis ? On touche là au rôle des médias dans la démocratie. Certains les voudraient entrepreneurs et proactifs, d’autres au contraire en retrait et réflexifs. Peut-être existe-t-il une variété de médias telle que chacun puisse, en réalité, déjà y trouver son compte ?

Qu’on soit ou non pour des médias « entrepreneurs », la question demeure : comment contacter les journalistes ? Participer aux festivals de journalisme semble être un bon moyen, puisque le citoyen qui a fait cette remarque est reparti avec plusieurs contacts de grandes rédactions. Mais la méthode ne fonctionne pas pour tous. Ainsi, M. Moreau, maire de Couthures-sur-Garonne, bataille depuis deux ans pour que son appel aux dons soit relayé dans des médias nationaux. L’église St-Léger, qui accueillait jusqu’en 2021 nombre d’activités, nécessite en effet des réparations dont le montant s’élève à plus d’un million d’euros sur trois ans. Or en dehors d’un article de Sud-Ouest et d’une publication sur le site du FIJ, le besoin de préserver l’édifice n’a pas été beaucoup médiatisé. Le maire s’en afflige et s’en amuse à la fois. Curieux, pour un village qui accueille un festival de journalisme, de ne pas parvenir à faire les gros titres ! Mais rien ne sert d’en vouloir aux médias, dit-il. Il y a toujours tellement de choses à couvrir, tellement de projets à financer. Au-delà de l’intérêt, c’est peut-être tout simplement le temps qui manque aux journalistes.

Louise Jouveshomme, chargée d’études au Lab Reporters d’Espoirs.

JEUDI 1ER JUILLET 2021 . INSCRIVEZ-VOUS A LA SOIRÉE DES MÉDIAS DE SOLUTIONS & DU PRIX REPORTERS D’ESPOIRS !

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Ce jeudi, Reporters d’Espoirs organise la « Soirée des médias de solutions » à l’occasion du dévoilement des lauréats du Prix Reporters d’Espoirs, 11e édition. Un événement physique, au Cinéma Majestic Passy (18 rue de Passy 75016 Paris), à 18h30. Pour bénéficier des quelques places encore disponibles, inscrivez-vous ici.

Au programme :

18h30 Accueil & networking

19h Début de la soirée, animée par la journaliste Raphaëlle Duchemin (RMC, FranceInfo, Europe 1…), et avec les membres du jury

Dévoilement des lauréats des Prix du reportage Presse écrite & Radio

[Focus] Médias&Climat : comment mobiliser de manière constructive ? 

Découverte des lauréats du Prix du reportage TV
Découverte des lauréats du Prix de l’engagement (nouveauté 2021)

[Débat] Quelle raison d’être pour les médias ?
Alors que l’on somme les entreprises de se doter d’une mission, d’une raison d’être, pour preuve de leur apport au bien commun, quelle transposition aux entreprises de presse ?

Découverte des lauréats du Prix de l’innovation

[Débat] Donner à voir une Europe des solutions : quel rôle pour les médias ?

Avec les jeunes lauréats du Prix européen du jeune reporter (nouveauté 2021). Pitchs & discussion avec les correspondants français de médias européens.

Cocktail


« La défiance à l’égard des journalistes est trop forte et trop injuste. En revanche, elle peut se justifier. Les récits d’un quotidien qui « va bien » participent aussi à redorer l’image du journalisme » Jean-Marie Mulon, créateur du Presstival Info.

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Ancien journaliste à Ouest-France, puis l’hebdomadaire Haut-Anjou, Jean-Marie Mulon est le chef d’orchestre du Presstival Info du pays de Château-Gontier, fondé en 2012 suite à la disparition du Festival du scoop et du journalisme d’Angers – qui fût pendant 25 ans un rendez-vous phare de la profession. Son événement qui célèbre sa 10e édition cette année, rassemble des professionnels de renom et des spécialistes sur des sujets d’actualité lors de conférences-débats et d’expositions. La Ville de Château-Gontier sur Mayenne a récemment été donnée en exemple dans un reportage intitulé « La France heureuse, la France qui va bien, et si c’était elle, la majorité silencieuse ? » paru le 8 juin dans Le Monde sous la plume du journaliste Luc Bronner. Un article qui a été maintes fois cité dans les plateaux TV et radio ces dernières semaines.


Luc Bronner, grand reporter au journal Le Monde, a réalisé un reportage remarqué par les débatteurs des plateaux-télé parisiens à Château-Gontier sur Mayenne, évoquant la ville – dont vous êtes le directeur de l’information et de la communication comme un témoignage de « La France heureuse, la France qui va bien ». Trois semaines après, quelles en sont les retombées ?

L’impact de cet article a été fabuleux. Chaque jour, on continue de nous en parler. Luc Bronner a réalisé un travail d’une grande rigueur, accompagné de la photographe Laurence Geai. Très rapidement, j’ai senti la pleine confiance que nous pouvions accorder à l’ancien directeur de la rédaction du Monde, son regard était bienveillant et il tachait sincèrement d’angler son reportage autour des solutions qui existent en Mayenne. Forcément, un tel travail a suscité de vives réactions.  C’est bien la preuve que la France a besoin de cela dans ces moments difficiles. Le public nous l’a dit lui-même. Il a aussi besoin d’entendre la France qui va bien.

Vous avez longtemps été journaliste, qu’est-ce qui vous a orienté vers la profession ?

En classe de 6ème, lorsque notre professeur de français nous a questionnés sur le métier que l’on souhaiterait faire plus tard, j’ai instinctivement répondu le journalisme. Cette envie s’est ensuite érigée en passion. Après un détour par les métiers de l’imprimerie, et par la photographie, je me suis tourné vers la correspondance de presse pour Ouest France en 1982. L’école du terrain, en région, au plus près du public, a été extrêmement formatrice. J’ai en parallèle eu envie de m’engager dans l’équipe du Scoop d’Angers, premier festival de journalisme à avoir été créé en France. Durant ma carrière, j’ai eu l’occasion de réaliser près de 7000 articles et reportages. J’ai gardé mon affection pour l’écrit même après avoir arrêté le journalisme en 2001, en écrivant notamment quatre livres. 

Après le journalisme, vous vous êtes embarqué, comme une partie des gens du métier, dans une autre aventure, celle de la communication. Certains disent que c’est antinomique.

Je suis convaincu qu’il faut une vraie dose d’information dans la communication, et que l’information doit savoir communiquer. Je ne suis pas capable de vendre un produit, je n’ai pas l’âme économique développée, mais j’ai le sens du territoire. Ce sont des histoires de femmes et d’hommes que je cherche à transmettre, finalement assez proches du métier de journaliste que j’exerçais. Au quotidien, dans mon métier de communicant, je tâche toujours de vérifier mes informations et de refléter la réalité du terrain.

Vous avez conservé un lien fort avec le secteur, en fondant il y a 10 ans le Presstival Info, premier festival de journalisme « à la campagne » – vous insistez bien là-dessus.

Le Presstival Info est né du constat du besoin d’une information qui donne envie d’agir, animée notamment par des voix comme celle de Reporters d’Espoirs. Si je devais résumer ce qu’est à mes yeux le Presstival, je le dirais avec les mots du dessinateur Kak, président de l’association Cartooning For Peace : “Le Presstival s’ouvre à toutes les formes de journalisme”. Nous accueillons à bras ouverts le dessin de presse, la photographie et tout ce qui compose le métier. Nous sommes aussi fiers d’être les représentants d’un festival de journalisme à la campagne. 

Le Presstival Info s’investit aussi dans l’éducation des jeunes aux médias, en partenariat avec France Télévisions.

C’est un enjeu crucial qui s’est confirmé malheureusement après les attentats contre Charlie Hebdo. Cette éducation aux médias –axée notamment sur la lutte contre la haine sur la toile- a finalement rejoint les programmes scolaires. On se rend compte que les jeunes sont en attente de comprendre les enjeux médiatiques, ils ont de l’appétit pour l’information, un esprit neuf et une curiosité. Le Presstival a pu accueillir 25 000 d’entre eux et les sensibiliser à des enjeux comme l’écologie, les archives ou la liberté d’expression.

Cette année, vous avez présenté une exposition sur le thème des déchets en mer.

Sur 200m2, nous avons exposé auprès de 1 200 élèves le travail de Bruno Dumontet, fondateur d’Expédition MED, intitulée « Mer et océans plastifiés, impacts et solutions en mer ». Cette exposition traite de l’invasion des déchets dans les mers et océans, en même temps que des propositions de solutions pour limiter cette pollution. Notre ville étant traversée par la rivière de la Mayenne, nous sommes très sensibilisés au thème de l’eau.

Vous travaillez beaucoup avec l’ONG Cartooning for Peace, fondée par le dessinateur Plantu.

Ayant rencontré Plantu au Scoop d’Angers, j’ai souhaité poursuivre une coopération avec son association et lui. Dès 2014, nous avons collaboré autour des « Dessins pour la Paix », exposition que plus de 12 000 jeunes et scolaires, ainsi que des détenus en milieu carcéral, ont pu découvrir en Pays de La Loire. Et actuellement nous accueillons l’exposition « Tous migrants » qui retrace le parcours de migrants à travers des dessins de presse du monde entier. C’est une exposition bouleversante qui participe à un peu de pédagogie et d’apaisement sur des questions qui divisent. 

Reporters d’Espoirs est partenaire du Presstival depuis ses débuts. Vous nous avez souvent laissé « carte blanche » pour pousser des documentaires et films d’ « espoir » – que ce soit à propos d’agriculture et de paysannerie, de quête de sens, ou d’introspection journalistique avec le documentaire « Les médias, le monde et nous » d’Anne-Sophie Novel. Le journalisme et les médias porteurs de solutions, vous y croyez ?

La défiance qui existe aujourd’hui à l’égard des journalistes est trop forte et injuste. En revanche, elle peut se justifier. Il est légitime de reprocher certaines méthodes journalistiques comme l’information en continu lorsqu’elle s’alimente de dites polémiques. C’est un journalisme qui m’échappe. La profession doit pouvoir réaliser une autocritique. Anne-Sophie Novel a eu le courage de poser un stéthoscope sur l’état de la presse française ce qui est extrêmement pertinent. Je recommande à tous les rédacteurs en chef d’avoir « Les médias, le monde et nous » en livre de chevet. Mais, je crois que les récits d’un quotidien qui va bien participent aussi à redorer l’image du journalisme, voire est nécessaire pour que journaliste et citoyen se retrouvent. La profession doit se désacraliser. Les nouveaux médias ont un rôle à jouer. Je crois qu’il est possible de concilier l’esprit Albert-Londres avec des perspectives et moyens nouveaux. Cela implique d’apporter la matière aux jeunes et de porter attention à leur esprit critique.

Propos recueillis par Léa Sombret.


« Sur ma chaîne YouTube dédiée à l’agriculture, je tâche d’éviter la béatitude tout autant que la condamnation absolue. C’est la clé d’un dialogue serein entre citoyens et agriculteurs. » Pierre Girard

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Pierre Girard est un journaliste et présentateur de télévision français, né le 16 novembre 1982 à Strasbourg. Depuis janvier 2009, il présente Xenius sur Arte, le magazine quotidien de la connaissance. En 2019, il crée Tous Terriens, une chaîne YouTube sur l’agriculture de solutions.

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RDV JEUDI 1ER JUILLET 2021 POUR LA GRANDE SOIRÉE DES MÉDIAS DE SOLUTIONS DE REPORTERS D’ESPOIRS

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Parce qu’il est grand temps de nous retrouver, Reporters d’Espoirs invite la communauté journalistique, des innovateurs et (futurs) professionnels des médias, à une soirée jeudi 1er juillet à Paris.

Les lauréats des prix Reporters d’Espoirs et du jeune reporter européen seront dévoilés lors de cette Grande soirée des médias de solutions.


« J’ai le sentiment qu’un monde plus empathique est en train de se construire, mais dont peu de médias parlent » Etienne Pflimlin, président de la Fondation du Crédit Mutuel

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Étienne Pflimlin est le président de la Fondation du Crédit Mutuel, qui œuvre à la promotion de la lecture et de la langue française, avec une forte dimension de lutte contre l’exclusion économique et sociale. La fondation a soutenu plus de 1500 actions de terrain depuis sa création, et a permis de donner une dimension européenne au Prix Reporters d’Espoirs en direction des jeunes de 18 à 30 ans. Ancien président du Crédit Mutuel, européen convaincu, Etienne Pflimlin partage son sentiment quant au traitement médiatique des questions européennes.

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« Serait-ce le retour d’une société unie par un récit collectif ? » Virginie Raisson-Victor

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Virginie Raisson-Victor, analyste en politique internationale et co-auteure pour la célèbre émission pédagogique d’Arte Le Dessous des Cartes, lance le Grand Défi des entreprises pour la planète.

Virginie Raisson-Victor, analyste en politique internationale, co-auteure pour le magazine géopolitique Le Dessous des Cartes à l’antenne d’Arte depuis 1990, et cofondatrice du Lépac (Laboratoire d’Études Politiques et Cartographiques), a récemment lancé Le Grand défi (ex Convention21). Avec 150 représentants d’entreprises françaises tirées au sort, cette initiative inspirée de la Convention citoyenne pour le climat, vise à formuler 100 recommandations d’actions prioritaires pour « décarboner l’économie, régénérer la biosphère et mettre en œuvre une économie compatible avec les limites planétaires ». Les acteurs des médias sont appelés à y prendre part. Entretien.


Comment appréhendez-vous la place des médias aujourd’hui ?

Je pense qu’il devient urgent de repenser la sphère médiatique, qui diffuse chaque jour un lot d’informations négatives, pas toujours représentatives de la réalité mais presque toujours anxiogènes.

Je ne supporte plus d’écouter les informations ou de les regarder à la télévision. L’information en continu ne m’apporte rien de neuf sur ma vision du monde. Je préfère lire la presse qui offre un recul sur l’actualité chaude. Le monde médiatique dans lequel je me retrouve est celui qui prend le temps d’analyser et d’être au plus près des faits. Réaliser une émission de vulgarisation scientifique comme Le Dessous des Cartes, nécessite un arbitrage long et coûteux. Je suis consciente que la pression économique et rédactionnelle empêche les journalistes de s’adapter à ce modèle, et c’est pour cela, je pense, que les médias doivent se réinventer.

A propos du climat, comment devrait-il être selon vous traité médiatiquement ?

Déjà, il faut enseigner ce volet de la réflexion sur le climat dans les écoles de journalisme. Si j’avais un conseil à adresser aux journalistes : lire la synthèse du GIEC et se former, par exemple avec la Fresque du Climat qui en simplement trois heures offre déjà une approche très enrichissante. Ensuite, tant que l’on pensera le climat comme devant se résumer à des pages « planète » au lieu de le considérer comme un sujet transversal, sociétal, politique et économique, il sera très difficile de progresser. Les journalistes doivent saisir le climat non comme un sujet en soi, mais comme un sujet qui rassemble toutes les problématiques actuelles.

Sur le climat toujours, vous avez récemment lancé le projet du Grand Défi des entreprises pour la planète.

L’idée est née avec la Convention citoyenne pour le climat qui, au-delà des polémiques autour de la loi climat a montré l’importance de la pédagogie et du rôle de l’information pour éclairer la décision. Partant de là, nous avons donc décidé avec Jérôme Cohen [Président d’ENGAGE, dont l’ambition est « d’aider les citoyens et les entreprises à se saisir des grands défis du XXIe siècle »] d’adapter ce format aux entreprises, afin de les intégrer au processus de transition écologique. Car les entreprises sont clairement au cœur de la transition. Nous avons donc d’abord écrit une tribune, qui a été signée par plusieurs centaines de scientifiques, d’intellectuels, d’associations, et publiée dans les Échos en décembre 2020. C’est ainsi qu’est né le Grand défi.

Pour avoir un débat le plus inclusif et ouvert possible, nous avons ensuite défini un processus en trois phases.

La première est une phase de consultation des parties prenantes de l’entreprise, mais aussi de la société civile organisée et des territoires.

La seconde phase est celle de l’élaboration des 100 propositions d’actions par les représentants de 150 entreprises tirés au sort. Pour mener leurs travaux, ils seront répartis en trois collèges (dirigeants, salariés et investisseurs) et suivront une session qui leur permettra de « mettre à niveau » leurs connaissances et objectifs sur le climat et la biodiversité

La troisième phase est celle de la diffusion. Par exemple, les propositions seront remises aux acteurs économiques mais aussi à la nouvelle assemblée et au nouveau gouvernement. Au même moment, nous lancerons une plateforme collaborative dédiée à la transformation des entreprises afin qu’elles y trouvent aussi bien des données et des analyses que les outils nécessaires et les solutions disponibles. Pendant cette phase, les médias seront des acteurs clés du succès.

Que souhaitez-vous faire aboutir avec ce processus de convention climat qui impliquera très fortement le monde entrepreneurial ?

Encore aujourd’hui, l’entreprise à la française se pense comme un système pyramidal. Or l’efficacité d’organisations comme Le Grand Défi, Time For The Planet [mouvement visant à rassembler 1 milliard d’euros pour créer 100 entreprises luttant contre le réchauffement climatique] ou d’autres, s’explique par le pari de l’intelligence collective. Notre société change et s’adapte aux nouvelles mentalités. La nouvelle génération se pense comme un collectif. Elle partage tout : les appartements, les vélos, l’engagement et les convictions. Une entreprise qui intégrera l’inclusivité et le collectif prendra de l’avance sur les autres. La réflexion sur le climat et la construction d’un avenir commun ont dessiné de nouvelles perspectives d’entrepreneuriat coopératif. Il faut comprendre que la relation hiérarchique professionnelle n’est plus ajustée aux réalités sociétales. Le bien commun semble reprendre du terrain aux intérêts particuliers. Serait-ce le grand retour d’une société unie par un récit collectif ?

Comment les médias peuvent-ils prendre part à ce changement ?

Déjà, en rapportant ce récit collectif qui est en train d’émerger. Ensuite, il faut repenser la galaxie de l’information. On sait qu’une majeure partie de la population s’informe sur les réseaux sociaux. Aussi les influenceurs et youtubeurs doivent être autant considérés que les médias traditionnels. La clé de ce changement c’est la pédagogie et l’enseignement. C’est pourquoi le Grand Défi tient à embarquer les médias dans cette aventure. Ils se doivent d’être acteurs d’une information libre et documentée pour lutter contre l’information qui désespère et l’éco-anxiété. La situation est grave mais la seule solution c’est de continuer d’espérer et de s’engager. L’action libère et rend optimiste. ■

Propos recueillis par Gilles Vanderpooten