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Journalisme de solutions : de quoi parle-t-on ?

« Le journalisme de solutions s’emploie à analyser et à diffuser la connaissance d’initiatives qui apportent des réponses concrètes, reproductibles, à des problèmes de société, économiques, sociaux, écologiques. »

Définition proposée par Reporters d’Espoirs

 

Le « journalisme de solutions » est d’abord une méthode

  • Un journalisme qui analyse une situation problématique, tout en exposant des éléments de réponses concrets et concluants => problème + solution
  • Un journalisme qui aborde à la fois les succès et les limites des initiatives abordées => impact, et regard critique sur l’impact
    Les difficultés, dysfonctionnements, doivent rester en évidence, dans un souci de crédibilité.
    Il ne s’agit pas d’un exercice de communication : présenter des initiatives porteuses de solutions ne signifie pas en faire la promotion. On peut tout à fait exercer son esprit critique quel que soit l’angle et le sujet.
  • Une méthode qui n’implique pas de position idéologique, de pensée économique ou sociale, particulière.
    En tant que méthode,  le journalisme de solutions tel que le défini Reporters d’Espoirs implique en effet une forme de neutralité.
    Libre à chaque journaliste, à chaque rédaction, de s’emparer de la méthode pour ensuite y appliquer son propre prisme.

5 critères pour qu’un reportage réponde aux critères du journalisme de solutions :

  1. Explication du problème et de ses causes (mise en contexte)
  2. Présentation d’une réponse au problème (initiative)
  3. Narration du processus de résolution du problème, du « comment on a fait » (processus de résolution)
  4. Présentation des résultats générés par la réponse à date (impact)
  5. Présentation et explication des limites de la réponse (regard critique)

 

Comment caractériser une « solution » ?

Le terme “solutions” pourrait sembler ambitieux, voire présomptueux, dès lors qu’il statuerait sur l’existence d’une réponse parfaite, absolue, infaillible. Or une solution peut n’être que relative, à un contexte donné, à un moment donné, à une société ou à un groupe et son système de valeurs, à un état des connaissances, à un point de vue. Aussi il s’agit de s’intéresser à des réponses, à des initiatives, qui peuvent n’être que locales, tout en ayant un potentiel d’inspiration et d’essaimage.

Par « solution » nous nous contenterons donc de chercher à identifier :

  • une initiative concrète
  • qui apporte une réponse à un problème de société, économique, et/ou social et/ou environnemental
  • qui peut être locale (à l’échelle d’une organisation, un village, une ville, une région) tout en ayant un potentiel de développement, d’essaimage, de reproductibilité en d’autres lieux, à d’autres échelles
  • dont l’impact est mesurable, qualitativement et quantitativement (si elle prétend créer de l’emploi ou de l’insertion, des économies de Co2, préserver des espèces, créer de la richesse… il est bon de pouvoir l’apprécier par des chiffres, connaitre le nombre de personnes concernées par l’action, et ne pas se contenter de bonnes intentions)
  • qui s’inscrit dans le temps (permettant d’apprécier sa pérennité, sa viabilité)
  • qui peut inspirer les gens, et leur donne envie d’agir (un critère relativement subjectif)

Dans des situations où il n’existe pas à un moment donné de réponse concrète, on peut aussi s’intéresser à :

  • des histoires de résilience
  • des histoires de résolution de problèmes ou conflits
  • des histoires de personnes qui font face et trouvent des issues concrètes à leurs propres problèmes ou à des problèmes identifiés dans la société.

Quelques idées reçues, ou questions, et nos réponses.

« Les bonnes nouvelles, les ‘trains qui arrivent à l’heure’, ça n’intéresse personne » ou « Se dire d’office ‘moi je ne parle que des choses belles et merveilleuses’, ça veut dire que si la vie est noire et triste, je ne reflèterai pas la vie et je déciderai de parler de quelque chose qui n’est pas représentatif de ce qu’est la réalité. »

Lorsque Reporters d’Espoirs en 2004 fait émerger la notion de « journalisme de solutions », certains ont pu l’assimiler au « journal des bonnes nouvelles », à « des petites actions qui donnent du baume au cœur », ou encore « aux trains qui arrivent à l’heure (en ajoutant : « ça n’intéresse personne ») ». Or, l’approche que nous proposons ne s’intéresse pas à des phénomènes sympathiques mais futiles comme « L’écureuil Twiggy qui fait du jet ski » (c’est rigolo) ou « Vous ne devinerez jamais comment cet homme a sauvé un chat » (c’est estimable mais ce n’est pas le sujet)… mais à des initiatives qui apportent réellement des éléments de réponses à des problèmes, des difficultés, qui se posent à des individus, des collectifs, une société.

Vous l’aurez compris : il ne s’agit pas de faire du positivisme gratuit, de dire que tout va bien, de nier l’existence de problèmes, difficultés, catastrophes.
Mais bien d’identifier et de médiatiser des réponses, des pistes concrètes, qui contribuent à résoudre un problème => PROBLÈMES + SOLUTIONS.

15 ans après la création de Reporters d’Espoirs, le débat n’en est plus au stade des questions sémantiques (le public se moque d’ailleurs bien de savoir s’il convient de parler de bonne nouvelle, de positif, d’initiative, d’impact, ou de solution… ) : la plupart des professionnels de l’information s’accordent sur la nécessité d’une telle approche.

 

« L’information positive c’est le lot des dictatures »

Renvoyer à « la dictature », la ficelle est grosse. Paresse intellectuelle ou stratagème pour éviter la question d’une remise en question ? On pourra opportunément se focaliser sur la mesure imaginée un temps par les autorités russes d’imposer aux chaines d’État un quota de 50% d’informations positives sur la Russie. C’est un peu hâtif.

Renversons l’argument : confiner la population dans la peur ne serait-il pas tout autant le lot de despotes qui voudraient éviter qu’elle n’aspire au changement, à la prise d’initiative ? Dans 1984, est-ce l’excès de positivisme qui caractérise l’oppression ? Ou bien le fait de semer la terreur, de contrôler, museler, réécrire l’histoire ?

Il y aurait des raisons de s’inquiéter d’un monde où l’information serait « uniquement » positive (monde illusoire), comme il y a tout autant de raisons de craindre une information « uniquement » négative qui aurait pour effet de confiner la population dans la peur et l’immobilisme. Le « tout positif » comme le « tout négatif » peuvent relever d’une stratégie ou tentative manipulatoire, laissant peu de place à l’analyse et au regard critique.

Ce n’est pas le propos du journalisme en général, et donc pas du journalisme de solutions en particulier. Le journalisme n’a pas vocation à promouvoir l’une ou l’autre de ces approches. Il veut considérer le monde tel qu’il est, en analysant et en rendant compte des problèmes, des défis, des enjeux contemporains, tout autant qu’en diffusant la connaissance d’initiatives mises en œuvre concrètement sur le terrain pour y apporter des éléments de réponse.

 

« Où le journalisme de solutions se situe-t-il idéologiquement ? »

Le journalisme de solutions tel que le porte Reporters d’Espoirs en tant qu’association est une méthode, pas une idéologie.

Libre ensuite à chaque journaliste, à chaque rédaction, de s’emparer de cette méthode pour appliquer son propre prisme. Car tous les médias ne prétendent pas viser la neutralité ou « l’objectivité », notion extrêmement difficile à défendre. En effet, chacun parle depuis un point de vue particulier, voire un positionnement idéologique plus ou moins assumé et explicite. On ne trouvera pas apriori la même perspective dans des journaux aussi différents que Libération et Le Figaro, ou dans une radio publique comme France Inter et une radio privée comme RTL, etc. Libre à chacun de privilégier des solutions interventionnistes ou libérales… même si dans l’idéal, il s’agirait d’exposer un panel de réponses concrètes entreprises ici et là, quand bien même contradictoires, face à un même problème !